Qui attendait Harley Davidson sur le marché des motos électriques ? A vrai dire personne, une stratégie visionnaire pour certains.
« Quand je serai grand, j’aurai une moto qui fera beaucoup de bruit comme celle de papa. Elle sera énorme et entièrement chromée. » C’est ce que je me suis dit le jour où j’ai vu mon père rentrer avec un RoadKing Classic flambant neuf de chez Harley-Davidson. C’était il y a 30 ans. Je me rappelle encore ce bruit tonitruant qui s’échappait des pots d’échappements. J’ai immédiatement imaginé une formation d’avions bombardiers d’avant-guerre qui passaient tout proche. Le soleil, se reflétant dans les chromes, faisait mal aux yeux, je ne pouvais m’empêcher de l’admirer.
Essai Harley Davidson Livewire en vidéo
Depuis, le temps a passé et la passion est toujours là. S’il y a bien une marque de moto avec laquelle j’ai toujours eu énormément de plaisir à son guidon c’est bien Harley-Davidson. Cette marque possède quelque chose de magique qui sait vous faire voyager, vous sentir libre.
Doit-on appeler ça le début du rêve Américain ?
Et si on parlait d’histoire ?
Tout a commencé à Milwaukee dans l’état du Wisconsin, non loin de Chicago.
Avant de finir dans le vieux cabanon de jardin du père d’Arthur en 1903, William Harley et Arthur Davidson âgés de 20 et 21 ans ont construit la première bicyclette de la marque, non sans se faire tirer les oreilles après plusieurs explosions d’essence dans la cuisine qui vinrent troubler le calme de la maison familiale. Le premier moteur à explosion Harley-Davidson était né. Petit à petit la marque commence à se faire une place dans le milieu des grosses cylindrées.
De 1903 à 1904, 3 motos sortent du cabanon. L’une d’elles, la Silent Grey Fellow sera vendue en 1906 pour 200 $.
Chaque année, des évolutions sont apportées. La gamme s’étoffe pour que chacun puisse trouver chaussure à son pied. Une multitude d’accessoires permet aux différents propriétaires de Harley de personnaliser sa monture au grès de leurs envies. De la vis chromée jusqu’au changement de carrosserie, en passant par la modification des repose-pieds, tout est personnalisable.
Depuis plus de 100 ans, la marque conçoit des moteurs thermiques. Une fois l’ensemble du cahier des charges dûment complété, il ne reste plus qu’une petite étape. Les derniers critères de validation pour qu’une moto soit commercialisée sont : le look de la moto et de son pilote en roulant, mais aussi le bruit ou plutôt le son qu’elle envoie. Si elle passe le test alors on pourra la retrouver sur nos routes.
Le projet Livewire débute en 2010. Les dirigeants de la firme Américaine se sont réunis autour d’une table devant une page blanche pour concevoir la toute première moto électrique de série. En 2014, les premiers prototypes furent dévoilés et c’est en 2019 que de l’aboutissement de ce projet naîtra : la Livewire. Il aura fallu 9 ans à la marque pour passer du croquis à la commercialisation mondiale.
Au premier regard
Grande nouveauté attendue depuis longtemps, je dois avouer qu’en photo elle n’était pas vraiment à mon goût. Je la trouvais petite, étriquée, courte sur pattes. Il manquait un « truc », un je ne sais quoi dont on a l’habitude de remarquer au premier coup d’œil sur une Harley-Davidson. Du chrome, un échappement rutilant ou peut être un gros bloc moteur en V. Pas à mon goût, je l’ai donc mise dans un coin de ma tête en attendant de pouvoir la découvrir en concession.
Mais quel est donc ce roadster au milieu de tous ces customs ?
Pas de chrome, pas de gros marchepieds, pas de selle confort, la voilà cette Livewire trônant fièrement sur son podium au centre de la concession. En tournant autour je remarquai quelques petits détails qui ne trompaient pas ; c’était bien une Harley-Davidson.
L’instrumentation est identique aux autres modèles de la gamme ; rétroviseurs et poignées d’origine nous sont familières. Des « bars and shield » (logo Harley-Davidson) se trouvent un peu partout. L’inscription moderne et futuriste Harley-Davidson sur le réservoir (doit-on appeler ça un réservoir ?) nous confirme que cette moto a bien sa place dans la concession.
Fourche inversée, gros freins Brembo, suspension Showa réglable, pneus Michelin Scorcher, tout ce que l’on attend aujourd’hui sur un Roadster performant.
Au milieu du châssis en aluminium on découvre la batterie de 95 kg et en dessous le bloc moteur / transmission. Cette configuration est idéale pour abaisser le centre de gravité et offrir plus de maniabilité. Comme d’habitude chez Harley-Davidson, cette LiveWire est équipée d’une courroie : idéal pour transmettre la puissance à la roue arrière. Arrêtez-vous un instant pour admirer la fixation de la couronne dans la jante arrière. En effet celle-ci n’est pas fixée au moyeu de roue comme sur toutes les motos mais directement aux bâtons de la jante. On imagine aisément les ingénieurs s’arracher les cheveux pour obtenir une telle création.
A son guidon
« Tu passes le coupe circuit sur vers le bas, tu prends le frein avant en main et tu presses le bouton pour démarrer. Tu ressentiras les battements de cœur de la machine. Ensuite gaz ! » Mais de quoi me parle-t-il ? Des battements de cœur ?
Le silence, c’est la première chose que l’on retiendra au guidon de cette Livewire.
Ensuite comme tout bon motard mon premier réflexe eut été d’actionner le levier d’embrayage et de m’assurer de bien être au point mort. Il n’y a ni l’un ni l’autre. Uniquement une poignée d’accélérateur et un levier de frein avant, comme une moto classique. C’est très déroutant et déstabilisant la première fois.
Les commodos au guidon sont identiques aux autres modèles de la gamme donc pas de quoi s’inquiéter.
La position de conduite semble agréable pour un roadster, il y a de la place. Finalement elle n’est pas aussi étriquée qu’elle en avait l’air. Soixante-dix-huit centimètres de hauteur de selle, elle est dans la norme haute. Parfait pour les grands mais aussi pour les plus petits gabarits. Seul petit bémol la selle ne semble pas très confortable. Après plusieurs kilomètres à son guidon, en effet elle ne l’est pas. Trop dure et pas suffisamment large. Je me rendrai aussi compte plus tard que les coutures laissent passer l’eau les jours de pluie. Doit-on parler du confort pour le passager ? Je ne suis pas sûr que le mot « confort » soit approprié. En effet, il sera certainement soulagé après une dizaine de kilomètres de pouvoir en descendre. Cette moto n’est clairement pas faite pour rouler en duo.
Très rapidement on trouve sa position de conduite. On est clairement sur un roadster. On fait corps avec la machine, des repose pieds jusqu’aux mains sur le guidon, en passant par les genoux qui enserrent fermement le cadre. C’est à ce moment précis que l’on se rend compte qu’elle est faite pour rouler autrement qu’en bon père de famille.
Certains diront qu’elles apaisent le pilote au feu rouge, d’autres que c’est pour rappeler que la moto est en fonctionnement ou peut-être même pour revivre les sensations du V-Twin. La Livewire vibre. Ou plutôt, elle vit. Une Pulsation cardiaque se fait ressentir dans toute la moto lors d’un arrêt tel qu’un feu rouge ou un stop. C’est étrange, mais tout semble étrange avec une moto électrique ! On distingue le moindre bruit qu’elle peut émettre ; frottement de la courroie, grincement des plaquettes de freins, roulement de roues, mais aussi les bruits extérieurs jamais perçus auparavant. La porte électrique du garage, la barrière du péage, jusqu’aux conversations dans une rue semi piétonne. C’est très particulier et propre à l’électrique.
En effet, sans bruit de moteur on redécouvre tous les sons du quotidien.
Performances
Une pile électrique qui parcourt la ville à la vitesse de l’éclair.
4 modes usines Livewire pour gérer les cartographies du moteur Revelation™ à aimant et 3 modes pour les paramétrer soi-même. En un clic sur le bouton au guidon, le comportement de la moto change du tout au tout.
Mode Route est selon moi idéal pour une utilisation classique urbaine. La puissance est présente mais diffusée à 55 %. A la coupure de l’accélération, l’inertie (frein moteur) fera ralentir la moto comme un moteur thermique. A chaque décélération la batterie se verra rechargée.
Mode Sport de 0 à 100 km/h en moins de 3 secondes. C’est digne des sportives les plus puissantes. Sans passage de vitesse, il n’y a pas de coupure d’accélération. Les 105 ch (78kW) propulsent la moto telle une balle de tennis frappée au service. Déconcertant et terrorisant la première fois, mais un besoin fou de recommencer encore et encore. La puissance est délivrée immédiatement, brutalement. Elle se laisse apprivoiser, ne cabre pas. On sent que l’antipatinage travaille dur pour garder le cap. Heureusement qu’il est présent. Une fois déconnecté attention au patinage ! Seuls les initiés auront le courage de dompter la bête. Elle n’est plus du tout docile et il faudra un excellent dosage de poignée de gaz pour ne pas s’envoler ou se laisser surprendre. Attention à la jauge de batterie qui se rapproche du 0 % à vue d’œil.
Mode Pluie est parfait dès lors que la chaussée est glissante. L’accélération est progressive et sans violence, tout en douceur. Idem à la décélération où la roue arrière aurait tendance à vouloir passer à l’avant. Elle devient subitement docile, l’appréhension du départ disparaît et laisse place à un sentiment de sécurité.
Mode Eco sera utile lors d’un trajet plus long que d’ordinaire. Même en mettant la poignée dans l’angle, une infime quantité de puissance sera transmise à la roue arrière. En revanche à la décélération, la récupération d’énergie est très importante. On gagne des 0,1 % de batterie à chaque fois que l’on coupe les gaz. On se dit qu’on parviendra à destination sans passer par la case recharge. Ce mode est très désagréable et ne procure aucun plaisir, cependant il s’avère parfois bien utile.
Modes A B C sont entièrement personnalisables. Il suffit de mettre la moto sur la béquille pour accéder aux paramètres via le compteur tactile de 109 mm. Intuitif et simple d’utilisation, on s’y retrouve sans passer des heures dessus. Sur le mode A, on aura tendance à tout mettre à fond. Puissance et récupérateur d’énergie à 100 %. L’accélération est démoniaque mais la décélération l’est tout autant. On va vite très vite. Presque pas besoin de toucher aux freins tellement l’inertie est importante. On ressent tous nos organes se déplacer derrière la cage thoracique. Expérience totalement déroutante mais on en redemande encore et encore.
Autonomie électrique
150 kilomètres en ville sur la brochure commerciale
Pour une utilisation urbaine c’est parfait. Surtout si vous la branchez sur secteur en rentrant chez vous. Il est rare de faire plus de 100 kilomètres à moto pour son trajet domicile travail. ? Cela va vite se compliquer pour une sortie le week-end. Une portion d’autoroute à 130 km/h, même en étant au régulateur de vitesse, fera se vider rapidement la batterie. A ce moment-là, on commence rapidement à faire ses calculs et à se poser des questions. Combien de kilomètres me reste-t-il pour arriver à destination. On passe rapidement d’une pression au comodo sur le mode ECO mais inévitablement on se résout à l’idée qu’une recharge sera nécessaire.
Il y a deux options pour recharger la Livewire
Sous la selle un câble est enroulé. Le branchement s’effectue sur une prise secteur 220 v classique. Si la batterie est vide il faut compter une dizaine d’heures pour une recharge à 100 %. C’est long mais faisable de nuit aux heures creuses.
Sinon il y a l’option charge rapide. Beaucoup de stations publiques proposent ce type de charge appelée niveau 3 DC. Elles proposent une charge de 80 % en 40 minutes ou 100 % en une heure. Ce système payant nécessite un abonnement ainsi qu’une carte pour s’identifier. Généralement les places sont prisées par des voitures garées à la journée.
Conclusion en HD Livewire
Que l’on apprécie ou non, dès lors que l’on perçoit le son si caractéristique du moteur Harley-Davidson, on ne peut s’empêcher de regarder, voire contempler. Si les décibels peuvent êtres agressifs pour certains, pour d’autres, l’envie de possession d’un tel engin est plus forte. Mais la question de la moto électrique se pose.
Pour cette nouveauté, Harley-Davidson frappe très fort. Certes, niveau batterie et recharge on aimerait avoir mieux, mais nul doute, d’ici quelques années, se garer sur une place dédiée, rechargera la batterie par induction.
Pourquoi pas 100 % de charge en 10 minutes et une autonomie de 1 000 kilomètres et un tarif plus attractif ? Le constructeur automobile californien Tesla planche durement sur le sujet.
Souvenons-nous des évolutions apportées au célèbre téléphone de la marque à la pomme. La Livewire est l’équivalent de la version de L’iPhone 2G sorti en 2007. Aujourd’hui la prochaine version à venir (iPhone 12) nous convainc que sa progression est extraordinaire et nous donne bon espoir pour l’avenir de la mobilité électrique.
En attendant les améliorations, le plaisir est totalement au rendez-vous. Après une semaine et plus de 500 kilomètres à son guidon, il m’en faudrait une dans le garage mais pour le moment, en deuxième moto.
J’ai aimé :
– La puissance délivrée immédiatement
– Le style de la moto, son look futuriste
– La position de conduite, très loin des standards Harley Davidson
Je n’ai pas aimé :
– Le temps de charge sur secteur
– L’autonomie pour une utilisation plaisir
– Le tarif de 33.900 € (modèle essayé 34.100 €)
Caractéristiques techniques
Dimensions Harley Davidson Livewire
- Longueur 2 135 mm
- Hauteur de selle 780 mm
- Garde au sol 130 mm
- Chasse (fourche) 24,5
- Arrière 108 mm
- Empattement 1 490 mm
- Pneus, spécification avant 120/70 ZR17 58W
- Pneus, spécification arrière 180/55 ZR17 73W
- Type de pneu H-D®/Michelin® Scorcher® « Sport »
- Poids (en marche) 251 kg
Performance Harley Davidson Livewire
- Couple du moteur électrique 116 Nm
- Puissance du moteur 105 CH /x78 Kw
- Angle d’inclinaison, droit 45
- Angle d’inclinaison, gauche 45
Merci à Bertrand Bremont photographe pour les photos qui illustrent cet article moto.
https://www.bertrandbremont.com/ https://www.instagram.com/bertrandbremontphotography/?hl=fr
Nicolas Thuillier
4 commentaires
Très bon article comme d’habitude 😀 cela donne envie d’acheter cette jolie moto
Super article comme toujours !
Je suis comme un enfant devant cette harley ^^
Magnifique moto et super article ! Cette moto doit être vraiment top pour une utilisation en ville.
Super article de qualité comme d’hab.
C’est sur que ça va changer le style de la marque, surtout niveau sonore. Dommage j’aime bien le son Harley. Mais contre toute attente, je me laisserai bien tenter par cette électrique, mais bon, le prix…